En annonçant la nouvelle politique de l’aide internationale canadienne du gouvernement Harper, la
ministre de la coopération internationale, Bev Oda a réitéré l'engagement de son gouvernement à rendre l'aide
internationale du Canada plus efficace, « tout en continuant à venir en aide aux plus démunis. » Mais la politique
annoncée le 23 février peut être interprétée comme l’abandon de l’approche traditionnelle du Canada à savoir de réduire
la pauvreté des pays les plus pauvres au monde, notamment en Afrique et en mettant l’emphase envers les pays plus riches.
Ceci dans l’objectif de venir en appui à la politique de relations internationales gouvernementale de mettre l’accent sur
l’Amérique latine.
Selon l'annonce du ministre Oda, le nombre de pays ciblés par l'aide canadienne en Afrique a été coupé de huit pays
africains: le Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun, le Kenya, le Malawi, le Niger, le Rwanda et la Zambie, un nouveau
apparaît, le Soudan. Ils ont été remplacés par des pays à revenus moyens avec qui le Canada a signé, ou négocié, des
accords de libre-échange: la Colombie, le Pérou et les Caraïbes.
La nouvelle politique a, avec raison, surpris et désappointé grandement les représentants des pays africains au Canada. Ils
ont été estomaqués par une telle annonce, surtout que le Ministre des Affaires étrangères, Lawrence Cannon ne leur avait
rien laissé entendre lors d’une rencontre avec eux, un mois avant l’annonce de Madame Oda. Son engagement que le Canada
continue d’être un partenaire important pour l’Afrique dans le domaine du développement, sonne maintenant faux.
Le Groupe d’étude sur l’Afrique est heureux de voir que le Canada est tout près d’atteindre l’engagement du G8 fait il
y a quelques années de doubler l’aide à l’Afrique d’ici 2010, mais se demande ce que Monsieur Cannon réserve pour le
futur maintenant que la nouvelle politique indique clairement un abandon des engagements de l’OCDE pour la réduction de la
pauvreté et en réduisant sa contribution aux Objectifs du millénaire, un programme des Nations unis pour réduire la
pauvreté dans les pays les plus démunis. Nous sommes très perplexes quant à la stratégie du Canada pour obtenir l’appui
des pays africains pour l’obtention d’un siège au Conseil de sécurité.
Le GEA regrette que ce changement de politique a été développé et annoncé sans aucun débat public, y inclus le Parlement du
Canada. Cette approche arbitraire concernant un élément clé de notre politique étrangère n’a rien d’encourageant pour le
respect des engagements de consultation et d’une gouvernance transparente. Cette nouvelle politique ignore une très longue
histoire d’engagement de la société civile canadienne en Afrique qui remonte à plus de 90 ans. Le Forum Canada-Afrique,
une organisation parapluie de plus de 40 organisations ayant des programmes et activités dans les secteurs du développement
et de la justice sociale, ont exprimé leur profonde inquiétude. Le Conseil canadien pour l’Afrique, qui a contribué à
accroître les relations économiques avec l’Afrique au cours des dernières années est inquiet des effets négatifs de la
nouvelle politique.
Ce grand changement des pays ciblés met également en danger une autre politique de longue date dans le cadre du
développement international canadien. Traditionnellement, les gouvernements canadiens, quel que soit leur couleur, ont,
pour renforcer l'unité nationale, joué un rôle important dans la francophonie. Comme corollaire, l'aide au développement
du Canada a été assignée équitablement entre l'Afrique anglophone et francophone. Pourtant des 8 pays africains coupés de
la liste des pays prioritaires, pas moins de 5 pays (et ceux-ci parmi les plus pauvres) sont francophones. Seuls le Mali et
le Sénégal demeurent sur la liste.
Selon un porte parole du Ministre Oda, la nouvelle liste est basée sur trois critères: le besoin, capacité de délivrer l’
aide efficacement et l’appui aux objectifs de notre politique étrangère. Le dernier critère est clair, le Pérou et la
Colombie sont des signataires récents d’accords de libre-échange avec le Canada. Quoique personne le peut nier le besoin
d’améliorer la livraison de notre aide, les critères d’efficacités de Madame Oda ne sont pas définis. Lorsque l’on
examine le premier critère, le besoin, l’approche gouvernementale doit être questionnée, surtout en Afrique ou l’on
retrouve le plus grand nombre de pays démunis et le continent qui subit les plus grandes coupures. Une analyse du Forum
Canada Afrique (à partir d’indicateurs du PNUD et de la Banque mondiale) démontre que la part de l’aide canadienne envers
les pays pauvres, c'est-à-dire les pays où la population vit avec moins de $2.00 par jour) est maintenant encore
proportionnellement inférieure.
L'intérêt à long terme du Canada est également mis à risque. Les pays d'Afrique sub-sahariens resteront parmi les plus
vulnérables à l'instabilité politique, au désordre économique, à la maladie, au trafic de drogue, à la dégradation
environnementale et aux conflits civils. Si l’aide au développement est insuffisante pour aider notamment la création
d’emplois pour les jeunes, nous serons les témoins d’un accroissement important de la migration illégale et le
recrutement de la jeunesse mécontente dans les mouvements radicaux, potentiellement terroristes.
Le développement est un processus à long terme nécessitant de 25 - 50 ans pour montrer des résultats. L'aide étrangère
efficace réclame des engagements budgétaires prévisibles à long terme tant pour les pays récipiendaires que pour les pays
donateurs. Nos valeurs traditionnelles exigent que nous restions engagés en Afrique. La politique de l’ACDI devrait
faire l’objet de discussions publiques et d’un examen minutieux par les parlementaires. Des ajustements doivent être
faits à la liste des pays ciblés pour rétablir au moins certains des pays africains les plus pauvres et pour réparer le
déséquilibre francophone.
Le Groupe d’Étude sur l’Afrique du Conseil international canadien (chapitre de la capitale nationale) a été créé en
janvier 2007 pour encourager la discussion, pour appuyer la recherche et promouvoir l’engagement du Canada envers l’
Afrique. Ses membres incluent plusieurs anciens ambassadeurs et hauts commissaires canadiens, universitaires, gens d’
affaires et membres de la diaspora africaine.