Agées de 79 et 77 ans, Wu Dianyuan et Wang Xiuying avaient ému
l'opinion internationale lors des Jeux olympiques de Pékin après leur
condamnation à un an de camp de rééducation par le travail pour avoir
sollicité un permis de manifester dans les "zones de protestation"
désignées à cet effet par la municipalité. Il y a quelques semaines,
les deux dames ont adressé à Human Rights In China (HRIC), l'ONG de
défense des droits de l'homme en Chine basée à Hongkong, une lettre
destinée à ceux qui les avaient soutenues : la décision administrative
de les envoyer en camp avait été annulée.
Cette mansuétude est une exception. Le 23 septembre, Li Xueli, un
pétitionnaire du Henan qui avait lui aussi demandé à utiliser les
"zones de protestation" a été envoyé six mois en camp de rééducation
par le travail, selon China Human Rights Defenders (CHRD). Trois jours
après, les proches d'un autre demandeur de permis, Ji Sizun, étaient
informés que le militant du Fujian, disparu depuis le 11 août, avait
bien été arrêté.
Un mois et demi après la clôture des Jeux de Pékin, les associations
de défense des droits de l'homme - toutes basées à l'étranger -
dressent un bilan plus complet de ce qui a pu arriver aux militants ou
pétitionnaires que les autorités avaient jugés bon de "neutraliser"
dans ce que CRHD qualifie "d'abus des droits de l'homme systématiques,
directement liés aux Jeux".
Quelques exemples : à Shanghaï, la famille de Duan Huimin, un
pétitionnaire mort en détention en 2007, est assignée à résidence
depuis le 25 juillet. A Shenzhen, Chen Shuwei, un militant engagé dans
la défense des droits du consommateur, a été emmené, le 24 juillet,
dans une "prison secrète" de la ville, puis libéré le 29 septembre. Un
militant des droits du travail de Chongqing, Hu Jing, a été interné en
asile psychiatrique, début juillet, avant d'être libéré le 19
septembre. Huang Qi, militant des droits de l'homme de Chengdu,
inculpé en juillet pour "possession illégale de secret d'Etat" - il
voulait aider les parents des enfants morts dans les écoles du Sichuan
- n'a été autorisé à voir ses avocats que le 23 septembre.
"Disparue" pendant les Jeux, Zeng Jinyan, l'épouse du militant des
droits de l'homme emprisonné Hu Jia, a été isolée dans un hôtel à
Dalian pendant dix jours. Malade, elle a été autorisée à rentrer chez
elle avec son bébé avant la fin des JO, mais avec l'interdiction
formelle d'entrer en contact avec l'extérieur, a-t-elle expliqué au
Monde. Surveillée, elle a reçu des coups de téléphone pour la
dissuader de parler à la presse.
Hu Jia fait partie des possibles lauréats du Prix Nobel de la paix
décerné le 10 octobre. Zeng Jinyan a rendu visite à son mari le 25
septembre, à la prison de Chao Bai, à Tianjin où il partage une
cellule avec d'autres détenus. Il a été placé en confinement solitaire
le 13 août, menotté et les fers aux pieds, pour avoir défendu son
droit d'expression. "La direction de la prison ne voit pas d'un bon
oeil les conseils qu'il donne sur les droits de l'homme en prison",
dit son avocat, Li Fangping.
Quant à l'avocat Gao Zhisheng, lui aussi nobélisable, ses confrères
sont sans nouvelle de lui depuis des mois. Selon la presse du Falun
Gong, le mouvement religieux dont l'avocat avait entrepris de défendre
les membres persécutés en Chine, il aurait été emmené de chez lui, où
il était assigné à résidence, le 7 août, puis torturé. Des accusations
non confirmées à ce jour.